L'abeille domestique, Apis mellifera mellifera, est un insecte sauvage "cultivé1" et non pas élevé. Domestique vient du latin "domus", la maison, à proximité de laquelle l'apiculteur installe son rucher. L'abeille est équipée d'un dard et d'une glande à venin.
Crédit: Daniel Elieh-Ali-Komi
Elle ne peut s'en servir pour piquer qu'une seule fois. Le dard est équipé d'ardillons qui lorsqu'ils sont plantés dans le derme de son ennemi, empêchent l'abeille de l'en retirer. La glande à venin et ses muscles ainsi que le dard restent solidaires du derme. Les muscles continuent d'injecter le venin dans la cible. L'abeille privée de son appendice de défense ne tarde pas à périr. Ce faisant elle s'offre en sacrifice pour la survie de la colonie.
Crédit: Biology Open Journal
Cependant ce n'est pas la seule utilisation que peut en faire l'abeille. En effet celle-ci peut en redressant son abdomen extraire son dard et exprimer une goutte de venin à l'extrémité de celui-ci. Ensuite elle bat des ailes pour vaporiser le liquide. Ce faisant elle génère un signal d'alarme pour ses congénères, qui ne tardent pas à en faire autant et poursuivre l'ennemi. La cible une fois piquée est marquée par l'odeur de ce venin qui excite l'agressivité des abeilles, qui viennent piquer au même endroit.
Bien que la culture de l'abeille ne soit pas récente - des ruches en terre datées de -900 ont été retrouvées2 - le terme apiculture n'existe que depuis 18453. Auparavant, à l'époque préhistorique, l'homme était un cueilleur de miel. Pour faciliter sa cueillette et faire fuir les abeilles qui s'interposaient entre lui et son butin, l'homme a eu l'idée d'enfumer leur habitat. L'homme a observé que cette fumée faisait fuir les abeilles, qui copieusement enfumées désertent le nid4. Cette pratique a perduré, et l'enfumoir à soufflet a été créé par Moses QUINBY vers 1870 aux USA5. On a découvert que les poils des pattes des abeilles peuvent détecter de très faibles variations de teneur en CO2, qui est un des constituants de la fumée avec la vapeur d’eau.
La science montre que la probabilité que l'abeille produise une goutte de venin au bout du dard pour créer une alarme est réduite par la présence de fumée. Le combustible utilisé a aussi son importance.10 La recherche a montré que huit des composants du venin et un composant des glandes mandibulaires déclenchent une réaction d'agressivité des abeilles.11
La fumée qui est propulsée par le soufflet sert à masquer l'odeur du venin d'alerte des abeilles. Le signal d'alarme est masqué par la fumée et l'abeille lanceuse d'alerte ne peut recruter des combattantes. L'enfumoir est donc l'outil indispensable de l'apiculteur à tel point qu'on ne peut être apiculteur sans lui.
L'enfumoir créé par Moses QUINBY sera amélioré par T.F. BINGHAM, L.C. ROOT, gendre de Moses QUINBY, A.G. HILL, G.W. BRODBECK, et finalement H. ROOT en 1905 (brevet US7989826) finalise l'enfumoir apicole tel que nous le connaissons aujourd'hui. Depuis 19507 différents inventeurs ont remplacé le soufflet par un ventilateur électrique. Malgré l'avantage indéniable de l'enfumoir électrique sur le soufflet mécanique aucun appareil n'est parvenu à séduire les apiculteurs. Pourtant le soufflet mécanique est pénible à manœuvrer en particulier lors de la phase d'allumage qui nécessite de pomper fortement, fréquemment et longuement. De plus le soufflet est la première cause de panne de l'enfumoir puisqu'il se perce en particulier aux plis inférieurs.
En Allemagne un autre outil est parfois utilisé, il s'agit d'une espèce de grosse pipe à tabac. L'apiculteur active une combustion et produit de la fumée en soufflant dans un tuyau. Ce faisant pour se rapprocher des abeilles il rapproche sa tête de celles-là.
L'enfumoir est constitué de deux parties. Une chambre de combustion et un activateur de ventilation, soufflet mécanique ou ventilateur électrique. Dans la chambre de combustion, un combustible contenant une faible proportion d'eau est mis à brûler. La combustion a deux effets : la dilatation des gaz - comme dans un moteur à explosion, sous l'effet de la chaleur les gaz augmentent de volume - c'est ce qui entraine le tirage du feu, et la production de vapeur d'eau, la fumée. Le combustible doit donc avoir deux qualités : s'enflammer assez facilement et produire de la vapeur. Si le trou d'arrivée d'air et le trou de sortie d'air sont correctement dimensionnés, et le combustible adéquat, la combustion s'auto-maintient toute la journée de travail de l'apiculteur. Sur le marché on va trouver des enfumoirs inox correctement dimensionnés et d'autres qui le sont moins. En particulier on trouve des appareils dont le trou d'entrée d'air est trop petit et qui refoulent l'air du soufflet. On repère ces appareils au fait qu'ils s'éteignent tout seuls, mais aussi au fait qu'il y a des traces de bistre tout autour du trou du soufflet.
Si les romains utilisaient des excréments d'animaux séchés, ces matières ne sont plus disponibles de nos jours. De même que les sacs de jute qui servaient à transporter les productions agricoles par le passé ont également disparu. Le jute était un excellent combustible contenant un reste d'humidité. Il était facile à allumer et produisait une belle fumée. Aujourd'hui nous pouvons trouver des combustibles dans la nature : foin, paille, pommes de pin, lichens, aiguilles de pins, déchets de cultures - lavande ou autre, et d'autres que l'on peut se procurer au magasin, : granulés de bois, de luzerne, de lavande. Le carton, le papier, les boites à œufs peuvent compléter la panoplie des combustibles notamment pour faciliter l'étape d'allumage.
Personnellement j'utilise un peu de foin et une allumette pour allumer l'enfumoir et je remplis celui-ci avec un mélange 50/50 de granulés pour enfumoir ou poêle et granulés de luzerne. La ventilation électrique de mon enfumoir Zephyr fait le reste. Pas besoin de pomper ni de lampe à souder coûteuse pour démarrer l'appareil. Comme le dit Jean RIONDET dans ses cours, si l'apiculteur ne tousse pas, l'enfumoir est mal allumé.
Pour bien allumer l'enfumoir il faut faire un feu chaud au départ, qui va créer des braises rouges, celles-ci serviront à maintenir la combustion d'un combustible plus chargé en humidité qui produira de la vapeur d'eau et donc de la fumée épaisse. Ceci peut être fait avec du foin, de la paille, du carton, du papier, des aiguilles de pin. Ne vous précipitez pas pour charger la chambre de combustion. Enflammez disons votre carton, pour qu'il fasse des flammes et pompez sur le soufflet pour que des braises rouges apparaissent. Puis chargez une petite dose de combustible, et continuez de pomper vigoureusement quelques minutes - ou allumez la soufflerie - jusqu'à ce que cette première charge commence à brûler et produise une fumée blanche très épaisse. Ceux qui ont un appareil à ventilation électrique Zephyr peuvent charger à fond leur appareil et le fermer, puis s'équiper de leur combinaison pendant que leur appareil s'allume tout seul. Une fois que votre première charge commence à produire de la fumée, complétez le chargement de votre appareil jusqu'à deux centimètres du haut - ou moins si vous n'avez qu'une ou deux ruches. Puis bloquez votre combustible avec un tampon fait d'herbes fraiches et bien vertes. Ce tampon a trois objectifs : empêcher la sortie de combustible enflammé par le cône de soufflage, condenser les goudrons et les retenir, permettre une fumée plus blanche et plus dense. Vous éviterez ainsi de répandre des braises rouges dans vos ruches ou sur le sol, et vous produirez une belle fumée épaisse.
Evitez d'enfumer à l'entrée de la ruche. Cela ne peut que désorganiser la colonie et faire fuir la reine vers le haut des cadres vous rendant sa recherche longue ou infructueuse. Protéger votre reine dans une pince le temps de votre visite vous évitera sa perte par inadvertance et l'orphelinage de votre colonie. N'enfumez pas avant d'avoir observé les abeilles sur la tête des cadres. Sont-elles calmes, nombreuses, occupent-elles tous les cadres ? Observation que vous ne pourrez faire que si vous vous êtes abstenu de cogner le toit et après avoir ôté délicatement le couvre cadre. L'absence de vibrations vous garantira le calme des abeilles. Elles sont dépourvues d'oreilles mais disposent de six pattes pour capter les vibrations. C'est le moment où il faut être le plus doux. Observez. Normalement vous ne devriez pas voir d'abeille l'abdomen levé et pointé vers vous signe de piqûres à très brève échéance. Pour pouvoir commencer à travailler enfumez légèrement la tête des cadres, les abeilles devraient se cacher dans les rives inter-cadres. Avec un enfumoir automatique Zephyr il vous suffit d'incliner celui-ci et de balayer la surface de la ruche. Posez l'appareil la production de fumée s'arrête automatiquement.
Commencez votre visite en allant d'une rive à l'autre. Une ruche à cadres à espacement Hoffman vous simplifiera grandement la tâche, vous n'aurez plus à extraire verticalement les têtes de cadres des crémaillères pleines de propolis. Il vous suffira de faire glisser les cadres sur les glissières. Vous limiterez ainsi les vibrations, les frottements d'abeilles les unes sur les autres, et les ennuis qui vont avec. Vos visites seront plus douces et plus rapides.
N'enfumez que si les abeilles se mettent à voler, et à venir vous faire la causette dans le creux de l'oreille. Ce type d'abeille est souvent agressif et changer votre lignée pour une plus douce vous fera encore plus apprécier votre passion.
Attention, ne pas utiliser l'enfumoir, ne veut pas dire qu'il ne faut pas en avoir un correctement allumé auprès de vous. C'est votre meilleure protection contre une attaque.
Cela dit, l'enfumoir doit être totalement proscrit lors de la récolte, et en particulier ne jamais servir à enfumer des cadres de hausse pleins de miel. Ne jamais vider les hausses des abeilles avec de la fumée. D'une part parce que vous détruisez la qualité gustative de votre miel, et d'autre part parce qu'il existe des méthodes bien plus faciles pour récolter des hausses totalement vides d'abeilles. Il vous faut pour cela : une hausse avec des cadres vides, un plateau supplémentaire - creux sur chaque face8 - avec un chasse abeilles, et 24 heures de patience. Posez le toit de ruche au sol face creuse vers vous. N'ôtez pas le couvre cadres. Décollez la hausse à récolter, déposez-la en travers du toit au sol. Posez votre hausse vide sur le corps. Posez le plateau chasse abeilles - chasse abeilles vers le bas du coté de la hausse que vous venez de poser et dans laquelle les abeilles en surnombre vont venir s'installer. Reposez par-dessus le plateau chasse-abeilles votre hausse pleine de miel et son couvre cadres. Reposez le toit. 24 heures plus tard votre hausse de miel doit être totalement vide d'abeilles, prenez-la et déposez la dans un toit renversé et posez par-dessus un autre toit, pour que les pillardes ne s'y aventurent pas. Si les abeilles sont toujours là c'est qu'il y a du couvain dans la hausse que vous projetiez de récolter9. Cela ne peut pas se faire. Remettez la ruche dans l'état antérieur et attendez la fin des naissances.
https://journals.openedition.org/tc/268 Tout comme l'huitre - ostréiculture - ou la moule - conchyliculture. ↩
https://lejournal.cnrs.fr/articles/des-abeilles-et-des-hommes ↩
https://journals.openedition.org/tc/268 déjà cité. ↩
Cette façon de faire est mise à profit aujourd'hui pour créer ce qu'on appelle un essaim nu en faisant fuir, dans une autre ruche superposée à la première, la reine et une partie des abeilles par un enfumage copieux et prolongé, associé à des vibrations fortes et répétées. ↩
https://www.beeculture.com/moses-quinby/ et https://en.wikipedia.org/wiki/Moses_Quinby ↩
https://worldwide.espacenet.com/patent/search/family/009571745/publication/FR1013556A?q=FR1013556 ↩
Le fait qu'il soit creux sur chaque face permettra de contenir les constructions anarchiques pleines de miel sous les cadres de hausses, et empêchera le miel de couler hors de la ruche. ↩
Pour rappel, quand vous posez une hausse en début de saison, il doit y avoir de la place pour pondre dans le corps. Au besoin enlevez un cadre de réserves et donnez une cire gaufrée à bâtir. Placez des cadres uniquement gaufrés au centre de votre hausse. Pas de cellules dans la hausse, pas de ponte possible. ↩
https://www.ars.usda.gov/ARSUserFiles/60500500/PDFFiles/101-200/107-Collins--Bioassay%20of%20Compounds%20Derived.pdf ↩